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Le droit à l’autodétermination du peuple ukrainien

Un accord sur les terres rares ukrainiennes doit être signé ce vendredi 28 février à Washington entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. La marge de manœuvre du président ukrainien est minime dans le nouveau jeu des alliances qui se dessine. L’analyse du philosophe ukrainien Constantin Sigov.

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

Le président Volodymyr Zelensky est attendu ce vendredi à la Maison Blanche. Donald Trump, qui après l’avoir traité de dictateur, a dit avoir «beaucoup de respect» pour le chef de l’état ukrainien avec lequel, a-t-il assuré, il doit signer ce 28 février un accord sur les minerais ukrainiens, dont les terres rares qui apparaissent de plus en plus comme un des enjeux stratégiques majeurs des prochaines décennies tant leur importance est cruciale pour le développement technologique.

Au-delà des terres rares, cette rencontre entre les président ukrainien et américain constitue un point d’honneur pour Volodymyr Zelensky qui risque de voir son pays écarté des négociations annoncées entre Russes et Américains. Volodymyr Zelensky souhaitait vivement voir Donald Trump pour exposer ses arguments avant que celui-ci ne rencontre Vladimir Poutine. Pour les Ukrainiens, cette rencontre est donc importante, alors qu’au bout de trois ans, depuis l’invasion russe à grande échelle de leur pays, leur capacité de résistance et de résilience est mise à dure épreuve.

Entretien avec Constantin Sigov

«Il est plus nécessaire que jamais d’aller à contre-courant», estime Constantin Sigov. Dans une référence à Pascal pour qui «la pensée est la plus haute vertu», le philosophe ukrainien juge le moment présent comme le point de départ d’une «réflexion dans un contexte vraiment inédit». L’Europe est la première à devoir s’interroger sur la «gravité de ce qu’il se passe en ce moment aux Etats-Unis», et à devoir se demander «comment résister à Poutine et la ‘pandémie de poutinisme’».

Le spectre du pacte russo-américain

L’auteur de l’ouvrage «Le courage de l’Ukraine» (éditions du Cerf, 2023) constate presque avec effroi «l'étrange faiblesse de Trump vis à vis de Poutine», et le danger que cette situation nouvelle représente pour les relations internationales. «Il n'y a pas si longtemps, il aurait été difficile d'imaginer une ‘poutinisation’ aussi brutale de la politique américaine», observe l’écrivain, qui compare cette période avec le pacte germano-soviétique de non-agression en 1939: «C'est le paradigme même de Poutine. Cette idée de trouver un allié, du genre Molotov-Ribbentrop, et pourquoi pas Donald Trump dans la perspective d’affaiblir l'Alliance atlantique et de relancer l'idée d'un partage du monde». Constantin Sigov se tourne vers l’Europe, car c’est avec elle, estime-t-il, que l’Ukraine doit réfléchir et «retrouver du muscle». Avec l’Europe, l’heure est au courage de ne pas se détourner des défis et les analyser:

«il est important pour nous, Ukrainiens et Européens, de discerner le vrai et le faux pour avoir une stratégie claire et une stratégie commune»

L’univers francophone

Le philosophe kiévien voit dans le monde francophone une voie possible pour sortir de cette «toxicité»; un monde capable de recréer un espace de pensée là où les propriétaires de réseaux tentent de l’anéantir, estime-t-il. «C'est peut être dans l'espace francophone élargi que se jouera la bataille essentielle pour les esprits et la liberté», selon lui. La France, mais aussi la Belgique, la Suisse, le Canada et l’Afrique «ne doivent pas être récupérés par le poutinisme et colonisés par son idéologie». Les pays francophones peuvent devenir les leaders d'une nouvelle décolonisation et dépolitisation. «Et c'est aussi le message à faire passer en Afrique, ajoute Constantin Sigov, parce que le rôle du colonisateur aujourd'hui est joué précisément par le Kremlin».

L’unité ukrainienne

Il serait grave de ne pas comprendre «la volonté et la capacité» des ukrainiens d’agir de manière indépendante, souligne l’écrivain. Tout comme il serait grave, estime-t-il, de ne pas prendre acte que «les vrais alliés» de l’Ukraine sont «des pays libres et démocratiques». Le régime russe «ne croit pas en la capacité d'action des peuples et des collectivités, analyse-t-il, il les considère uniquement comme des masses inertes qui doivent être manipulées, contrôlées, parce que poussées par des instincts primitifs». Pour Contstantin Sigov, les Ukrainiens sont appelés à répondre à la question de Shakespeare: "être ou ne pas être?". «Les Ukrainiens ne sont pas des instruments de musique dont les autres peuvent jouer», continue le philosophe. «Notre tâche principale est de réfuter l'hypothèse des dictateurs selon laquelle nous sommes une masse manipulable, chacun d'entre nous est une colonne vertébrale». C’est selon lui le principal message que les Ukrainiens civils et militaires au front, ont à adresser en ce moment.

Les conditions d’une paix juste

Si le discours prédominant aujourd’hui s’oriente vers une paix qui serait construite sur un accord commercial autour de l’exploitation des ressources en minerais de l’Ukraine, Constantin Sigov préfère revenir à un concept de paix construite sur la justice. «On ne parle pas assez des enfants qui ont été déportés en Russie. On ne parle pas des militaires, des civils qui ont été déportés, enfermés dans les geôles en Russie», regrette-t-il. Or il estime que le retour des enfants dans leurs familles et la libération des prisonniers sont une condition non négociable de tous les pourparlers qui voudraient aboutir sur un paix juste, «car nous n’oublions pas que le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale contre Vladimir Poutine était précisément basé sur cette déportation d’enfants». «On ne peut pas mettre cette condition sine qua non entre parenthèses», conclut Constantin Sigov. 

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28 février 2025, 08:23
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