Les bonnes pratiques de l’IA entre les murs de l’État de la Cité du Vatican
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Principe organisateur de la pensée sociale de l’Église en matière politique ou économique, le bien commun en devient l’orientation naturelle de toute recherche, développement ou application de l’intelligence artificielle (IA), défi majeur de ce premier quart de XXIe siècle, et au-delà. Appliqué au vaste et complexe champ de l'IA, le bien commun se voit en la matière alimenté par l’éthique et la transparence, comportant la protection de la dignité humaine, mais aussi l’adoption de systèmes facilement accessibles et contrôlables par les utilisateurs, donc transparents. Une commission sur l’intelligence artificielle composée de cinq membres et nommée par le président du Gouvernorat de l'État de la Cité du Vatican est, à ce titre, prévue.
Pour affronter ces défis, le document émis par l'entité administrative du Vatican insiste en premier lieu sur la dimension anthropocentrique et la fiabilité, dans l’usage de cet outil technologique. «L’intelligence artificielle ne peut en aucun cas remplacer l’homme et doit respecter son autonomie. En effet, elle doit être au service de la personne et non la dominer, de sorte que les décisions ultimes reviennent toujours à l’homme», est-il inscrit dans les Lignes guides.
Éviter toute utilisation abusive des données
La sécurité et la protection des données constituent un aspect très important. Ces lignes diretrices soulignent la nécessité d’assurer la sécurité et la confidentialité des données, en particulier biométriques. L’État de la Cité du Vatican pointe aussi la nécessité de la non-discrimination et de la durabilité économique et environnementale, «investissement nécessaire pour adopter des technologies intelligentes, qui puissent avoir des effets positifs à long terme».
En ce qui concerne la compatibilité avec la mission de l’Église et du Gouvernorat, l’utilisation de l’Intelligence artificielle ne doit pas nuire à la mission pastorale du Pape, compromettre l’Église et ne pas entrer en conflit avec les activités institutionnelles du Gouvernorat. Le Vatican rappelle là son contexte particulier, comprenant des exigences morales et éthiques spécifiques.
Les Lignes guides prévoient certaines interdictions dans l’application de l’intelligence artificielle, d’abord en ce qui concerne la discrimination et les dommages psychologiques. «Il est absolument interdit de l’utiliser pour accomplir des actes discriminatoires, tels que des déclarations susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme, ou pour causer des dommages psychologiques ou physiques». Un autre point important concerne l’accès des personnes porteuses de handicap à l’Intelligence artificielle. «Son utilisation est strictement interdite si elle empêche l’accès à cette catégorie de personnes.»
L'essentielle protection des données personnelles
Ce document de principes met aussi l’accent sur l’utilisation éthique et transparente des données, y compris la protection des données à caractère personnel. «Les règles relatives à la protection de la vie privée doivent être respectées, sans entraîner de discrimination ni porter atteinte à la dignité humaine. En outre, le langage doit être clair et compréhensible pour les utilisateurs, garantissant le droit de s’opposer à un traitement incorrect des données.»
Usages dans la science, la culture et le patrimoine
Dans le domaine de la recherche scientifique et des soins de santé, l’intelligence artificielle doit être utilisée pour améliorer les soins de santé et la protection de la santé, estime le Gouvernorat, mais sans conditionner la liberté de décision des médecins.
Un autre point à considérer est l’interdiction de la violation des droits d’auteur dans les œuvres créatives et artistiques. Les Lignes guides soulignent que les contenus générés par l’Intelligence artificielle doivent être reconnaissables et que le Gouvernorat détient les droits économiques et les droits d’auteur sur ces contenus créés sur son territoire.
De même pour le patrimoine culturel: l’introduction de l’intelligence artificielle doit respecter l’intégrité des biens et les réglementations internationales en matière de restauration et de conservation, par exemple aux Musées du Vatican.
Administratif et judiciaire
La note souligne la primauté d’un choix décisionnel «toujours humain» également dans les procédures administratives, où l’IA peut être utilisée pour simplifier et améliorer l’efficacité. «Dans le secteur du travail, l’Intelligence artificielle peut être utilisée pour améliorer la formation du personnel et la sécurité sur le lieu de travail. En outre, elle doit être transparente dans la sélection du personnel, en évitant la discrimination et en respectant la dignité humaine.» Enfin, dans le domaine de l’activité judiciaire, l’Intelligence artificielle ne peut être utilisée que pour l’organisation et la simplification du travail judiciaire et pour la recherche jurisprudentielle. Elle ne peut jamais jouer un rôle dans les décisions finales et ne peut jamais remplacer le magistrat dans son jugement. Quant au stratégique domaine de la sécurité, il est prévu que l’utilisation de l’IA soit encadrée par un règlement d’application spécifique.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici