Dans un monde en «polycrise», le Pape François encourage le multilatéralisme
Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
L’Académie pontificale pour la Vie consacre son assemblée générale, organisée du 3 au 5 mars à l’université Augustiniamum, à la gestion des diverses crises qui frappent le monde contemporain. Une initiative saluée par le Pape dans un message aux participants rendu public ce lundi 3 mars, et écrit le 26 février depuis la polyclinique Gemelli où François est hospitalisé depuis le 14 février. Le Saint-Père décrit un monde en «polycrise», soit une «conjoncture historique (…) dans laquelle convergent les guerres, le changement climatique, les problèmes énergétiques, les épidémies, les phénomènes migratoires et l'innovation technologique». «L'imbrication de ces questions cruciales, qui touchent simultanément différentes dimensions de la vie, nous amène à nous interroger sur le sort du monde et sur la manière dont nous le comprenons», écrit-il.
Le Pape François a invité les paricipants à examiner attentivement «notre représentation du monde et du cosmos», en analysant précisément la «résistance profonde au changement, à la fois en tant qu'individus et en tant que société». Sans quoi, met en garde le Souverain pontife, «nous continuerons à faire ce que nous avons fait avec d'autres crises, même très récentes», à l’image de la gestion de la pandémie de Covid-19. Cet épisode planétaire a été «gaspillé» selon l’évêque de Rome, car il aurait pu représenter une opportunité pour «travailler davantage à la transformation des consciences et des pratiques sociales», comme François le disait dans sa sixième exhortation apostolique Laudate Deum, consacrée à la sauvegarde de la planète.
Afin de pas rester «ancrés dans nos certitudes, nos habitudes et nos peurs», le Saint-Père a invité les académiciens à écouter attentivement les apports de la connaissance scientifique. L’écoute, qualité clé mise en place lors du processus synodal initié par François, permet de réviser les «paramètres concernant l'anthropologie et les cultures». «Les sciences nous offrent sans cesse de nouvelles connaissances», et elles invitent selon François à retravailler «notre conception de la création continuée (...) sachant que ce n'est pas la technocratie qui nous sauvera: se plier à la dérégulation planétaire utilitariste et néolibérale, c'est imposer la loi du plus fort comme seule règle; et c'est une loi qui déshumanise». Le Pape jésuite cite dans son message les écrits du père Teilhard de Chardin, paléontologue et philosophe français, initiateur d’une approche de recherche transdisciplinaire sur la dynamique évolutive et «la relation de l’homme avec l'ensemble du système des êtres vivants».
«Ces façons d'interpréter le monde et son évolution, avec des modes de relation inédits, peuvent nous fournir des signes d'espérance, que nous recherchons en tant que pèlerins au cours de cette année jubilaire», a expliqué François. Citant les paroles de son prédécesseur Benoît XVI, le Saint-Père rappelle que l'espérance «est liée au fait d'être en union existentielle avec un "peuple" et, pour toute personne, elle ne peut se réaliser qu'à l'intérieur de ce "nous"» (Lettre encyclique Spe Salvi, 14).
Cette dimension communautaire de l’espérance est aujourd'hui mise à mal par la «perte progressive de pertinence des organismes internationaux, qui sont également minés par des attitudes à court terme soucieuses de protéger des intérêts particuliers et nationaux». François exhorte à «continuer à lutter avec détermination pour des organisations mondiales plus efficaces, dotées d’autorité pour assurer le bien commun mondial, l’éradication de la faim et de la misère ainsi qu’une réelle défense des droits humains fondamentaux» (Lettre encyclique Fratelli tutti, 172). Une lutte essentielle pour favoriser «un multilatéralisme qui ne dépend pas de l'évolution des circonstances politiques ou de l'évolution de l'économie». «Il s'agit d'une tâche urgente qui concerne l'ensemble de l'humanité» a conclu le Pape.
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