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Le président Donald Trump dévoilant le tableau des droits de douane par pays, le 2 avril 2025 Le président Donald Trump dévoilant le tableau des droits de douane par pays, le 2 avril 2025 

Droits de douane américains: impacts et alternatives

La configuration du commerce mondial se retrouve bouleversée par l'imposition de taxes sur les exportations vers les États-Unis. Les droits de douane de 54 % pour la Chine, 47 % pour Madagascar ou encore 20 % pour l'Union européenne, vont donner lieu à différentes réactions et pour certains, à des négociations directes avec Washington. Entretien avec Vincent Vicard, économiste, directeur adjoint du CEPII.

Jean Charles Putzolu – Cité du Vatican

Les taxes douanières américaines sur les importations vont fortement impacter les économies des pays visés, contraints de réorganiser la géographie de leurs exportations. Mais l’impact sera considérable aussi sur l’économie américaine aux dires de nombreux experts: Jamie Dimon, président de JP Morgan, la première banque des États-Unis, estime que ces taxes auront des conséquences négatives, comme l’inflation et la baisse du PIB sur le long terme, et les critiques gagnent maintenant les élus républicains.

Pour comprendre les objectifs visés par Donald Trump, et si ces mesures porteront leurs fruits, Vincent Vicard, économiste, directeur adjoint du CEPII, centre de recherche sur l’économie mondiale, offre son analyse. Entretien.

Beaucoup de voix s'élèvent contre ces droits de douane, les qualifiant de dangereux pour l'économie mondiale, et même pour l'économie américaine. Mais peut-on véritablement penser que Donald Trump aurait imposé ces mesures si elles étaient vouées à l'échec?

Ces mesures peuvent être dangereuses pour l'économie mondiale tout en étant dans une certaine logique de Donald Trump. La logique derrière l'imposition de ces mesures n'est pas très claire. En tout cas, elle n'est pas exprimée. Il y a plusieurs objectifs qui semblent être associés à ces droits de douane dans l'esprit de l'administration Trump. Le premier, c'est de générer des recettes douanières de façon, et c'est ce qui a été annoncé à plusieurs reprises, baisser les autres impôts et notamment l'impôt sur le revenu aux États-Unis. Un deuxième objectif, c'est de réindustrialiser le pays et donc de réduire le déficit commercial sur les échanges de biens de façon à rapatrier de l'activité industrielle aux États-Unis. Le troisième objectif sera d'obtenir des deals vis-à-vis des pays étrangers.

Dans ces trois objectifs, on voit quand même des contradictions et il est assez difficile de déterminer quelle pourrait être une réussite. Si on veut lever des recettes douanières sur les échanges de biens, il faut qu'il y ait des importations qui perdurent. S'il y a des importations qui perdurent, ça veut dire qu'il n'y a pas de réindustrialisation du pays. Ces contradictions rendent difficile la lecture de ces droits de douane. Mais ce qu'on peut dire, et il me semble que c'est une lecture à envisager, c'est qu'il y a une volonté américaine, une volonté de Donald Trump, de retirer les États-Unis de la mondialisation telle qu'on l'a connue ces 70 dernières années.

Les États-Unis importent près des deux-tiers de leur aluminium, dont une grande partie depuis le Canada, ce qui concrètement signifie qu'ils n'ont pas une structure productive d'aluminium suffisante. Comment peut-on penser réindustrialiser le pays en peu de temps?

Ça paraît difficile et d'ailleurs c'est une des une des ambiguïtés de ces mesures à court terme. On sait que ça va faire augmenter les prix aux États-Unis et ça va créer un coût pour les consommateurs qui vont éventuellement réduire leur consommation. C'est seulement à long terme qu'on pourra avoir un impact sur la production aux États-Unis, puisque les prix vont augmenter. La production aux États-Unis va devenir plus intéressante par rapport à des importations. Dans cette lecture, les droits de douane viseraient à réindustrialiser le pays. Mais la limite de cette perspective, c'est que c'est un effet à long terme. Il faut du temps pour investir dans des installations qui permettent de produire de l'aluminium. C'est la même chose pour l'acier et pour un certain nombre de produits, que ce soit des semi-conducteurs, des automobiles, des téléphones portables; il faut du temps pour construire des usines et donc pour réindustrialiser. Donc, entre le moment où les droits de douane sont imposés et le moment où on pourra développer éventuellement des capacités productives, il va y avoir une augmentation des prix pour les consommateurs et pour les producteurs. En outre, cet acier et cet aluminium sont utilisés ensuite par d'autres entreprises qui vont avoir à leur tour des coûts de production plus importants. On a déjà vu cela lors du premier mandat de Donald Trump. L’augmentation des taxes a eu pour effet d'augmenter la production d'acier d'aluminium aux États-Unis, mais à un prix plus élevé qui a été finalement défavorable au reste de l'industrie utilisatrice d'aluminium et d'acier.

Le consommateur américain peut-il supporter une longue période inflationniste?

Ça va être coûteux pour les consommateurs américains. Ce n’est pas pour rien qu'on importe des biens de l'étranger. Ça permet aussi à l'économie américaine de se spécialiser dans certains biens et de les exporter vers le reste du monde. On sait qu’il y aura un effet négatif sur le potentiel de production des États-Unis qui vont se spécialiser dans des biens pour lesquels ils sont relativement moins efficaces. Pour les consommateurs, ça veut dire une augmentation des prix et cette augmentation des prix va nécessairement mener à une baisse de la consommation. Et d'ailleurs, on voit que c'est effectivement cet effet négatif récessif attendu à court terme sur l'économie qui est anticipé aujourd'hui avec les baisses des bourses américaines et européennes.

Concernant les pays visés par ces taxes, quelle réponse peuvent-ils donner?

Je pense qu'il y a une grosse distinction à faire entre les pays qui peuvent répondre à ces mesures de Donald Trump et les pays qui ne le peuvent pas. Des petits pays comme par exemple le Vietnam, le Cambodge, qui ont eu des droits de douane supérieurs à 40 %, sont des pays extrêmement dépendants. Plus de 30 % de leurs exportations vont vers les États-Unis. Ils n'ont pas beaucoup de marge de manœuvre pour répondre, à part à aller négocier avec l'administration Trump de potentielles concessions en vue de réduire les droits de douane qui leur sont imposés. D’autres grands pays, par exemple, le Canada, la Chine, ont répondu aux mesures américaines. L'Union européenne peut être classée dans cette catégorie, avec le Japon. Ce sont des pays qui ont une économie assez grande pour répondre aux États-Unis et mettre en place d’éventuelles représailles dans l'objectif d'inverser cette escalade protectionniste et de faire diminuer de manière générale les mesures douanières.

Les pays visés par ces mesures douanières ont-ils des alternatives, en formant, par exemple, de nouvelles alliances commerciales transversales?

Les États-Unis sont un acteur important du commerce international. Ils représentent 13 % des importations de biens au niveau mondial. Ça veut aussi dire qu'il reste une grande partie du commerce international qui se réalise en dehors des Etats-Unis, même si ça correspond à un choc important pour le commerce international. De très nombreux pays restent attachés au système commercial multilatéral tel qu'on le connaît depuis la Seconde Guerre mondiale, et c'est le cas de l'Union européenne. Mais c'est le cas aussi d'acteurs comme le Canada, le Mexique, le Japon, la Corée du Sud et les pays en développement. Donc effectivement, il faut sûrement répondre à Donald Trump pour les pays qui le peuvent, mais il faut aussi construire une alliance des pays qui sont touchés et qui peuvent maintenir, au-delà des actions américaines, ce système commercial multilatéral. Du point de vue européen, il y a aussi une logique à développer le marché intérieur et se reposer plus sur la demande intérieure plutôt que sur les exportations. Une des recommandations du rapport de Mario Draghi remis à la présidente de la Commission européenne était justement de plus se reposer sur la demande intérieure plutôt que sur les exportations, d’investir sur le territoire européen plutôt que laisser de l'épargne aller s'investir ailleurs et notamment aux États-Unis.

Est-ce que cela veut dire aussi réindustrialiser l'Europe?

Le continent européen est déjà très industrialisé dans le sens où on a plus d'exportations de biens que d'importations de biens. La question n'est donc pas tant réindustrialiser le continent que transformer l'industrie européenne, c'est à dire la faire évoluer vers une industrie plus verte qui participera à la transition écologique, et qui permettra aussi de sécuriser nos approvisionnements. Il y a des questions de sécurité économique qui se posent aujourd'hui vis à vis des États-Unis, mais aussi vis à vis de la Chine qui est un partenaire commercial, mais aussi un pays qui nous fait concurrence directement sur certaines productions stratégiques pour l'Union européenne.

La Chine précisément, autre grand marché, peut-elle profiter de cette turbulence?

La Chine, effectivement, se positionne aujourd'hui comme le bon élève du commerce international, alors qu'il y a quelques mois, elle était encore pointée du doigt pour ses pratiques de subventions de ses industries et de suppression de la demande interne et donc ses excédents commerciaux massifs qui contribuent en partie à la désindustrialisation américaine. La Chine, aujourd'hui, peut se présenter comme le bon élève du système commercial multilatéral. Mais pour cela, elle va devoir développer sa demande interne pour en partie remplacer les Etats-Unis et résoudre les déséquilibres à l'origine des tensions commerciales internationales. On parle de déséquilibres générés par des excédents commerciaux très importants en Chine, des excédents commerciaux aussi en Europe et de l’autre côté, des déficits commerciaux extrêmement importants aux États-Unis.

Le changement de paradigme de l’économie chinoise est un vœu pieux ou la Chine a-t-elle déjà montré quelques signaux?

Pékin a montré quelques signaux, mais ce rééquilibrage de l'économie chinoise est attendu depuis de nombreuses années et jusque-là, on est plutôt allé dans le sens inverse. Aujourd’hui, on a des annonces qui vont dans le sens de soutenir la demande locale. Il faudra regarder si ce sera suffisant pour réellement engager ce rééquilibrage du modèle de développement chinois vers la demande intérieure, en limitant les excédents commerciaux.  

 

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08 avril 2025, 11:51
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