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Le Pape François et des femmes de l'association des familles des soldats disparus et des prisonniers de guerre en Ukraine, lors de l'audience générale 15 janvier 2025. Le Pape François et des femmes de l'association des familles des soldats disparus et des prisonniers de guerre en Ukraine, lors de l'audience générale 15 janvier 2025.  (VATICAN MEDIA Divisione Foto)

Ukraine: des mères et épouses de soldats disparus gardent espoir

Les représentantes de l'association des familles de soldats disparus et de prisonniers de guerre, présents à l'audience générale du Pape François mercredi 15 janvier, partagent leurs expériences et reviennent sur leurs activités qui les aident à aller de l’avant. Espérant retrouver leurs proches, elles frappent à toutes les portes, s'attachant à la prière.

Svitlana Dukhovych - Cité du Vatican

Deux ailes, l'une jaune et l'autre bleue, figurent sur le logo de l'association des familles des soldats ukrainiens des Forces de défense territoriale disparus, capturés ou tués au cours de la guerre à grande échelle qui dure depuis près de trois ans. «Ces ailes sont le symbole de notre foi. La foi nous pousse à agir», explique Maryna Bohush, présidente de l'association. Le 15 janvier dernier, cinq d'entre elles ont assisté à l'audience générale du Pape, à l'issue de laquelle François les a saluées et a échangé quelques mots. Dans une interview accordée aux médias du Vatican, les représentantes de l'association ont décrit leurs activités, tout en soulignant l'importance de l'entraide. Elles ont également partagé leurs impressions sur la rencontre avec le Souverain pontife.

Plus de 500 familles unies par le besoin de se soutenir mutuellement

Maryna a décidé de fonder l'association en mai 2022, après la disparition au front de son beau-frère avec huit autres soldats ukrainiens. «C'était un lourd fardeau pour toute la famille», confie-t-elle, «d'autant plus que Vitaliy est pour moi la personnification de la bonté et de la gentillesse. Il est toujours très difficile pour les familles qui se lancent dans la recherche de personnes disparues, de savoir comment procéder. Pour moi, c'était probablement plus facile, alors j'ai entrepris cette démarche». La jeune femme a créé un groupe sur Viber (une application de messagerie instantanée), que d'autres familles ont commencé à rejoindre. Aujourd'hui, l'association compte 545 familles.

Un travail «énorme» 

Leur principale mission est la recherche des soldats disparus et des prisonniers de guerre. «Le problème auquel nous sommes confrontés est qu'il n'y a aucune confirmation de captivité», explique Maryna. Chaque jour, poursuit-elle, «toutes les femmes qui recherchent un être cher ouvrent la chaîne Telegram où les Russes publient des photos de soldats ukrainiens tués et faits prisonniers. Nous les regardons dans l'espoir d'identifier les soldats. Mais même lorsque nous les retrouvons en captivité, il est très difficile de le signaler officiellement, car il ne suffit pas seulement pour la Croix-Rouge d'avoir des photos ou des vidéos. C'est aussi un énorme travail de trouver des données pour confirmer qu'il s'agit bien de cette personne».

Parmi les activités de l'association des familles des soldats disparus, capturés ou tués des Forces de défense territoriale, figurent également l'approbation de diverses listes présentées aux agences gouvernementales, le soutien aux familles des soldats tombés au combat, le soutien aux soldats encore en service sur le front et à ceux qui en sont revenus et qui ont besoin d'une réadaptation, ainsi que l'organisation de manifestations pour exiger la libération des prisonniers. Certaines personnes, note la responsable de l'association, ne comprennent peut-être pas l'efficacité de ces manifestations, mais c'est le seul moyen d'être la voix des prisonniers.

Nous frappons à toutes les portes

Pour chacune des cinq femmes interrogées, l'association est devenue une source d'inspiration pour agir. Le fils d'Olena Skytiuk est décédé en septembre 2023 et elle a rejoint l'association presque immédiatement après. «Nous n'avons pas le temps d'attendre, souligne Olena, nous devons agir, faire quelque chose. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour trouver au moins un fil, au moins quelque chose qui puisse nous donner des nouvelles de nos proches. Nous frappons à toutes les portes, car nous sommes leur voix, leurs mains, leurs pieds. Nous devons nous battre pour eux ici, comme ils se sont battus pour nous là-bas».

Iryna Maryshkina est l'épouse d'un compagnon d'armes du fils d'Olena Skytyuk. Il a disparu début octobre 2023, une semaine après la disparition du fils d'Olena. «Je suis venue à Rome avec mes deux enfants, explique la femme, parce que leur père a disparu. Ce sont eux qui me donnent de la force et me motivent à agir, car je ne suis pas sûre de pouvoir retrouver mon mari, mais en tout cas je pourrai dire à mes enfants avec certitude que j'ai fait tout ce que je pouvais».


Au-delà du désespoir 

«Après avoir appris la disparition de mon fils, je me suis sentie dévastée, seule, je ne savais pas quoi faire». Olena Prokopenko décrit son drame personnel, si semblable à celui d'autres femmes, dans lequel elle a trouvé un moyen de repartir à zéro. Mon fils, dit-elle, «avait eu 20 ans début février 2022 et le 24 février, la guerre a éclaté. Il a combattu pendant près d'un an, mais juste avant son 21e anniversaire, il a disparu. J'étais totalement désespérée et ce désespoir m'a anéantie. Je me suis repliée sur moi-même et, pendant environ six mois, j'ai simplement essayé de faire quelque chose pour surmonter la douleur. Chaque soir et chaque matin, je commençais par prier pour mon fils disparu. Lorsque j'ai réalisé que je n'étais peut-être pas seule -car dans le pays, malheureusement, de nombreuses familles sont dans la même situation que moi- j'ai décidé de chercher une association de femmes à laquelle je pourrais m'adresser. Et je l'ai trouvée. Cette association est devenue comme une deuxième famille pour moi». Près de deux ans se sont écoulés, mais Olena n'a malheureusement toujours pas d'informations sur son fils. Il n'a, pour le moment, que le statut de personne disparue. «Mais j'ai de l'espoir, assure-t-elle, et c'est avec cet espoir que j'essaie de frapper à n'importe quelle porte car, dit-on, "frappe et l'on t'ouvrira". J'espère qu'il reviendra».

«Qui d'autre que moi ?»

Après l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, les forces de défense territoriale ont été rejointes par de nombreux civils. Le fils d'Iryna Taranova est lui aussi parti au front dès les premiers jours de la guerre, «malgré un bon emploi et de bonnes opportunité ». «Il disait ceci: "Qui d'autre que moi?" -raconte Iryna- et en fait, tous nos soldats qui sont partis à la guerre dans les premiers jours disaient: "Qui d'autre que moi?"». La mère se souvient de la date exacte, de l'heure et de la minute où la connexion a été perdue depuis la position où son fils combattait: c’était le 7 décembre 2022, à 6h10. «Quinze garçons ont disparu ce jour-là. Deux ans et un mois se sont écoulés et nous n'avons aucune information précise sur aucun d'entre eux. Mais nous ne nous arrêtons jamais, nous aidons tout le monde, nous nous unissons et nous attendons».

Attendre constamment et ne pas savoir ce qui arrive à un être cher est une douleur atroce. Que faire de cette douleur? «Nous ne savons jamais, dit Iryna, pourquoi ces épreuves nous sont imposées. Je ne sais pas si c'est un test pour moi ou pour mon enfant. Mais les épreuves les plus terribles peuvent aussi devenir un espace de développement humain, parce qu'après avoir perdu l'être aimé et ne pas savoir où il se trouve, il n'y a plus rien qui puisse vous effrayer: vous allez tout faire pour le retrouver».

Le pouvoir de la prière 

Le mercredi 15 janvier dernier, les cinq femmes Ukrainiennes étaient assises au premier rang dans la salle Paul VI lors de l'audience générale du Pape François. À la fin de l'audience, elles ont eu une brève rencontre avec le Saint-Père. Expliquant ce qui a suscité le difficile voyage effectué jusqu'à Rome et au Vatican, Maryna Bohush a montré le logo de leur association, imprimé sur leurs T-shirts, qui représente deux ailes, l'une bleue et l'autre jaune, les couleurs du drapeau ukrainien. Ces ailes, dit-elle, «sont un symbole de notre foi, et la foi inspire l'action. C'est pourquoi nous avons décidé de nous rendre au Vatican, dans un lieu sacré, pour renforcer nos prières».

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21 janvier 2025, 10:32