La Chine et le christianisme, un pont en construction
Guglielmo Gallone – Cité du Vatican
«Mon rêve chinois est d'être un pont entre le christianisme et la Chine: j'espère que le Pape pourra visiter mon pays et que la Chine pourra accueillir la lumière de l'Évangile». C'est à partir de cette image et de ce souhait que commence le témoignage de Chiaretto Yan, membre des Focolari chinois et auteur du livre «Mon rêve chinois. Dialogues et rencontres avec le christianisme», présenté ce mardi en salle Marconi du Palazzo Pio, siège du dicastère pour la Communication.
Les origines d’un rêve
Un rêve né de la conviction que le christianisme n'est pas étranger à la culture chinoise, mais qu'il peut être un interlocuteur possible car, comme nous le dit Chiaretto Yan, «chaque homme porte en lui un désir universel de vérité, de bonté, de beauté et d'amour, une aspiration profonde qui transcende les cultures et les traditions et qui trouve dans le christianisme la proposition d'une relation personnelle avec Dieu. D'un côté, je suis un chrétien catholique –poursuit l'auteur– et de l'autre, je suis chinois. La foi chrétienne me dit que Dieu vient à notre rencontre, qu'il s'est incarné par amour pour les hommes. Cette initiative de Dieu envers l'homme est la Révélation. Et les autres cultures, tout comme les autres religions, sont elles aussi un effort de l'homme pour rechercher Dieu: c'est pourquoi je crois que ces deux directions se rejoignent, elles ne sont pas en contradiction».
Une proximité d'intentions
Dans cet esprit, l'auteur a décidé de se concentrer sur cinq domaines de recherche qui pourraient rapprocher la culture chinoise et le christianisme: la philosophie, l'écologie, la politique, l'économie et le dialogue culturel. «Ce sont tous des thèmes d'une grande actualité – observe Chiaretto Yan – et ils constituent un défi commun pour l'humanité tout entière. Nous l'avons vu dans le pontificat du Pape François, dans les encycliques Laudato si' ou Fratelli tutti, mais nous le voyons aussi dans le débat contemporain chinois. L'aspiration à une vie meilleure pour la Chine n'est pas seulement un objectif national, c'est une quête universelle, qui concerne tout le monde et qui renvoie au bien commun». Une proximité d'intentions qui s'appuie également sur la tradition chinoise, «dont la pensée inclut le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme –reprend Chiaretto Yan. Confucius dit: «Nous ne pouvons pas en savoir assez sur cette vie, donc je n'approfondis pas la connaissance de l'au-delà». Lao Tseu dit: «Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas». Ces affirmations ne renvoient pas à un rejet du transcendant, mais à une attitude d'humilité: l'au-delà est un mystère et l'homme ne le possède pas, il ne peut que s'en approcher.
Il s'agit, au fond, d'une attitude d'ouverture, qui reconnaît les limites du langage et de la raison, mais qui trouve un point de contact avec le christianisme. Car si en Occident, la dialectique a souvent été considérée comme un conflit, selon des schémas philosophiques tels que ceux de Hegel, dans le taoïsme, elle prend plutôt la forme de l'harmonie: le yin et le yang ne s'opposent pas pour s'annuler, mais se complètent et se renforcent mutuellement. Et dans cette logique, l'auteur y voit la «dialectique de l'amour» propre au christianisme, en particulier le mystère du Christ sur la croix, qui s'annihile, fait de la place, accueille le vide pour accomplir la volonté du Père. «Même dans le langage philosophique chinois, observe Chiaretto Yan, la relation entre l'être et le non-être n'est pas destructrice, mais générative: c'est de leur relation que naît l'harmonie. Et c'est là que le dialogue s'approfondit, jusqu'à permettre de parler».
Le courage du dialogue
Et c'est précisément le dialogue qui a été au centre de l'événement qui s'est déroulé ce mardi en Salle Marconi, auquel ont participé le professeur Agostino Giovagnoli, professeur d'histoire contemporaine à l'Université catholique du Sacré-Cœur, le père Federico Lombardi S.I., président de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger - Benoît XVI, et le père Antonio Spadaro S.I., sous-secrétaire du dicastère pour la Culture et l'Éducation. La rencontre a été coordonnée par Gianni Valente, directeur de l'Agence Fides, qui a commencé par rappeler la présentation, il y a dix ans, du premier volume de Chiaretto Yan, intitulé Il Vangelo oltre la Grande Muraglia (L'Évangile au-delà de la Grande Muraille), non par nostalgie, mais parce que «lorsqu'on parle des relations entre la Chine et le christianisme, il faut tenir compte de la valeur du temps, de l'importance d'ouvrir et de respecter les processus». En effet, a ensuite repris le professeur Giovagnoli, «plus important que tout accord, il y a le dialogue, la volonté de trouver une solution commune aux problèmes et de laisser une porte ouverte à l'espérance. Histoire et dialogue: ce sont ces deux éléments fondamentaux, étroitement liés, que je retrouve dans ce livre. Le problème est que le contexte historique dans lequel nous vivons aujourd'hui, où se mêlent réalisme et pessimisme, où règne la loi du plus fort, ne semble pas propice au dialogue».
C'est donc d'autant plus pour cette raison que le livre de Chiaretto Yan devient courageux, comme l'a observé le père Spadaro, selon lequel «la Chine n'est ni le passé ni le présent, mais l'avenir». Et l'avenir se décline précisément par le mot rêve. Le rêve de Chiaretto, qui est au fond notre rêve. Il ne s'agit pas d'une utopie abstraite ou d'une catégorie idéologique: il s'agit de la possibilité réelle d'une rencontre. Pour que cela se produise, cependant, un changement de perspective est nécessaire. Et c'est là l'essence du terme «sinisation»: c'est-à-dire la prise de conscience que la Chine peut apporter une contribution fondamentale au christianisme universel. «Comment la philosophie taoïste peut-elle façonner et repenser le christianisme aujourd'hui?». Ainsi, selon le père Lombardi, il n'y a pas qu'un seul rêve qui émerge du livre de Chiaretto, «mais trois rêves: celui du peuple chinois, c'est-à-dire la recherche de la dignité de la position de la Chine dans le monde; le rêve du Pape François, sur lequel s'articule ce livre et sur lequel Bergoglio, nourri par la foi et l'espérance, s'est souvent appuyé; et enfin, le rêve de Chiaretto Yan, qui fait dialoguer et se rencontrer ces deux dimensions.» Cette perspective anime une dimension trop souvent oubliée lorsqu'on parle de foi et de Chine, à savoir l'implication des personnes, des communautés. «Mais, dans le même temps, cette perspective s'inscrit très bien dans l'approfondissement et l'enrichissement du dialogue concernant l'Église et le Vatican, que je considère comme un pont en cours de construction», explique le père Lombardi.
Un processus patient
Chiaretto Yan est particulièrement d'accord avec le premier rêve identifié par le père Lombardi: selon l'auteur, ce dialogue entre la culture chinoise et le christianisme ne peut avoir lieu sans une conscience historique. Au contraire, pour qu'il ait lieu, il rappelle une mémoire historique souvent sous-estimée en Occident: le «siècle de l'humiliation», marqué par le colonialisme et les invasions, qui commence avec la guerre de l'Opium et se termine avec l'invasion japonaise. Une blessure qui continue d'influencer les relations entre la Chine et l'Occident. C'est pourquoi l'annonce de l'Évangile ne peut être envisagée comme une opération rapide ou linéaire. Il s'agit plutôt d'un long cheminement qui exige respect, patience et capacité d'écoute. «Il est important d'entamer le processus plutôt que d'atteindre immédiatement l'objectif», conclut-il. «Le Pape François parlait de culture de la rencontre. Aujourd'hui, même la Chine parle de respect mutuel pour parvenir à une civilisation commune». C'est ainsi que le mot «processus» finit aussi par se mêler à l'une des vertus chinoises par excellence: la patience, 忍 (rěn). Celle-ci est exprimée par un idéogramme éloquent, qui comporte en haut le signe de la lame et en bas celui du cœur. C'est l'image de quelque chose qui pèse, qui blesse, qui pèse sur l'intérieur, mais qui n'est pas rejeté. Résister, supporter, attendre.
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