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Mgr Michel Calvet (à gauche), archevêque de Nouméa en Nouvelle-Calédonie de 1981 à 2025. Mgr Michel Calvet (à gauche), archevêque de Nouméa en Nouvelle-Calédonie de 1981 à 2025.   Les dossiers de Radio Vatican

43 ans d’épiscopat à Nouméa, témoin privilégié de l’Église aux antipodes

Mgr Michel Calvet avait la charge du gouvernement pastoral de Nouméa depuis 1981. Son successeur, le Wallisien Mgr Susitino Sionepoe, sera installé samedi 12 avril en la cathédrale Saint-Joseph de Nouméa, en présence du nonce apostolique en Nouvelle-Zélande et dans les îles du Pacifique. Il est le premier Océanien nommé à cette fonction, signe d’une Église locale de plus en plus inculturée. Un travail patient et exigeant qu’a conduit sans relâche Mgr Calvet durant ses 43 ans d’épiscopat.

Entretien réalisé par Delphine Allaire - Cité du Vatican 

Père mariste comme nombre de missionnaires parvenus à ce territoire français du Pacifique Sud, Mgr Michel Calvet devient auxiliaire de Nouméa moins d’un an après l’élection de Jean-Paul II sur le trône de Pierre. Deux ans plus tard, en 1981, il est nommé archevêque de la principale ville de Nouvelle-Calédonie. Sa mission pastorale, accomplie 43 ans durant, est jalonnée de plusieurs responsabilités, régionales comme la présidence de la Conférence épiscopale des îles du Pacifique, et romaines comme secrétaire spécial du synode pour l’Océanie en 1998 ou comme membre de dicastères. Sur «le Caillou», il décrit de multiples difficultés comme les récents tourments en 2024, lorsque «l’île la plus proche du paradis est devenue l’île la plus proche de l’enfer», mais aussi des grâces infinies dont l'Assemblée spéciale pour l’Océanie fut l’un des sommets ou le dévouement des catéchistes l’un des visages.

Entretien avec Mgr Michel Calvet, archevêque émérite de Nouméa en Nouvelle-Calédonie

Quelle est la spécificité historique de la vie d’Église dans ce territoire missionnaire?

Il y a des continuités. L’histoire de l'évangélisation a commencé en 1843 et s'est donc développée une Église avec des missionnaires qui étaient des pères maristes, tous venant du diocèse de Clermont, et qui étaient évidemment de leur époque. Certains leur ont reproché par la suite de ne pas avoir lu Claude Lévi-Strauss et d’autres anthropologues, mais c'était une autre époque. Ils ont fait avec les moyens qui étaient les leurs, en se mettant au service de la population, en apprenant la langue et surtout en travaillant avec ceux qui sont devenus les catéchistes. Les catéchistes en Nouvelle-Calédonie, où la population était très dispersée, ont également servi pour toute l'évangélisation, et encore aujourd’hui. Dans de nombreuses paroisses et communautés catholiques où il n'y a pas de présence de prêtres toutes les semaines, mais seulement tous les mois ou tous les trimestres, les catéchistes assurent la continuité de la vie chrétienne. Ainsi quand il y a un bon catéchiste dans «une tribu», comme l’on dit ici, la vie chrétienne se développe de manière considérable, à cette lointaine époque comme dans des moments plus difficiles que l’on a pu avoir. C’est d’ailleurs une joie d’apprendre que la canonisation du bienheureux Peter To Rot de Papouasie-Nouvelle-Guinée, considéré comme le patron des catéchistes d'Océanie, va bientôt intervenir.

 

À Nouméa de 1981 à 2025, quelles évolutions majeures avez-vous constaté dans la vie de foi du territoire?

La sécularisation est forte et la présence d'une société moderne met une pression considérable même si la vie traditionnelle demeure. Malgré cela, la participation à la vie chrétienne sous ses formes de participation à la liturgie, de pèlerinage, ou d’un certain nombre d'activités visibles, continue à se développer, étonnant quelquefois certaines personnes venues de l’extérieur. Bien sûr, nous n’avons pas d'appareil de mesure pour savoir quelle est la profondeur de l'évangélisation, mais il est admirable, que dès la première génération, au XIXe siècle, des chrétiens ont été exemplaires. C’est un encouragement.

En ces plus de 40 ans de ministère épiscopal, quels défis majeurs se sont présentés à vous?

Essentiellement des défis symptomatiques d'un territoire en développement, qui parvient difficilement à proposer un développement pour l'ensemble de sa population, et très particulièrement la jeunesse. Un certain nombre de problèmes ont été résolus. Par exemple, dans les années 1984-1988, nous avons eu des moments difficiles, mais nous avons peut-être aussi un peu oublié les jeunes. Les jeunes qui allaient bien, qui étaient scolarisés quelle que soit leur origine, qu'ils soient Mélanésiens, Européens, Polynésiens ou d'autres groupes présents en Calédonie, ne posent aucun problème, à l’inverse de jeunes plutôt déstructurés, c'est-à-dire qui, avec le mouvement de l'exode rural, le changement des valeurs, perdent leurs repères. C’est redoutable car ils deviennent à ce moment une masse de manœuvre qui peut être utilisée par certains pour arriver à leurs fins, c'est-à-dire pour essayer de prendre le pouvoir.

En résultent les émeutes de 2024, notamment contre les églises, comment aujourd'hui les fidèles s'en sont-ils remis et les blessures commencées à être pansées?

Les fidèles se sont aperçus que les églises étaient les leurs. Ils se sont eux-mêmes occupés à les garder, parfois jour et nuit, parfois encore maintenant. Parce qu'il y a encore des jeunes qui ont été lancés dans ces opérations désespérées et qui continuent, croyant bien faire, à mettre le feu, à détruire des choses. En fait, ils ont du mal à comprendre le fonctionnement de la société moderne, c'est à dire une société dans laquelle d'abord tout n'est pas possible immédiatement, où il y a des mécanismes économiques qu'il faut savoir analyser. Cette complexité ne leur a pas été expliquée. Nous avons beaucoup à faire. Les politiques s’en sont aperçus, et ont commencé à souhaiter que nous fassions la formation de nos jeunes.

Les jeunes ont besoin qu'on leur explique comment fonctionne une société, comment elle demande à la fois des compromis, mais aussi d'avoir des idées sur ce qui est essentiel, ce qui est important: la protection de l'éducation, la protection du bien commun. Tout cela ne se découvre pas spontanément.

Dans de tels moments de tension au fil de ces plus de 40 ans, comment avez-vous senti la force médiatrice de l'Église par la paix et le dialogue?

Effectivement, je commence maintenant à comprendre que c'est peut-être précisément pour cette raison que les églises ont été attaquées. Au début, je comprenais qu'il y avait une volonté de nuire évidente quand on mettait le feu à des églises. Petit à petit, j'en suis venu à comprendre que l'église souvent présentée comme un lieu où tout le monde pouvait se retrouver, quelle que soit sa culture, quelle que soit son ethnie, était prise pour cible pour cela. Certains, pour des raisons politiques de vouloir activer la situation et le changement, ont voulu s'attaquer à ces lieux qui permettaient justement la rencontre. C'est encore plus grave que ce qu'on pensait.

Cette médiation est possible car l'Église locale néocalédonienne est de plus en plus inculturée. Jusqu'où l'est-elle devenue aujourd'hui?

C'est un travail de longue haleine qui a été fait par toutes les Églises, avec les traductions, dès les premiers temps de la mission de l'Église, des catéchismes dans les différentes langues. En Nouvelle-Calédonie, il y a 25 langues différentes, des langues mélanésiennes, et la langue du Pacifique la plus parlée en Nouvelle-Calédonie, est la wallisienne. Nous avons aussi des communautés vietnamiennes. Outre la question des langues, c’est la question des cultures plus profondément qui se pose.

Un des moments les plus riches de réflexion à ce sujet a été la préparation, le déroulement, puis l’utilisation du document Ecclesia in Oceania après le Synode spécial pour l’Océanie, convoqué par Jean-Paul II au tournant du siècle. La totalité des évêques et des responsables de juridiction de l'Océanie étaient présents avec le Pape et ses collaborateurs à Rome.

Pour moi qui ai suivi cette opération de bout en bout dans la préparation comme secrétaire spécial de ce synode et comme membre de la commission synodale, cela a été un moment qui était passionnant de l'évangélisation et de l'inculturation véritable, c'est-à-dire dans la profondeur de l'Évangile et en prenant les cultures locales au sérieux.

Un quart de siècle après le Synode pour l'Océanie et son exhortation apostolique correspondante, quels en serait les premiers fruits spirituels assimilés? Car la synodalité en Océanie, mosaïque d’îles éparses, semble vitale et innée.

Il y a tous les aspects particuliers des cultures océaniennes, où la question du dialogue est essentielle, avec des manières de vivre différentes. Une certaine unité culturelle et linguistique prévaut dans les îles polynésiennes, mais la situation est très différente dans l’aire mélanésienne où la diversité linguistique est prégnante: 24 langues en Nouvelle-Calédonie, près d’une centaine dans le diocèse voisin de Port-Vila, Vanuatu, autrefois Nouvelles-Hébrides, et puis un summum en Papouasie Nouvelle-Guinée, qui compte 700 langues différentes.

Comment la synodalité se traduirait-elle aussi dans le dialogue œcuménique régional?

Les protestants se sont installés dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie, quelques années avant les catholiques. Ils sont plus nombreux que les catholiques dans les îles Loyautés, par exemple à Lifou et Maré. Ensuite, il y a eu une longue période pendant laquelle l'œcuménisme n'était pas très bien vu. La compétition était vive. Depuis le Concile Vatican II, il y a une collaboration entre les Églises, particulièrement à la base.

Quand il y a un mariage dans des communautés dans lesquelles il y a des branches catholiques et des branches protestantes, s’il est organisé chez les protestants, vous trouverez les catholiques à la cuisine et réciproquement. Par exemple à l'île de Lifou, les protestants invitent les catholiques et quand il y a un événement important chez les catholiques, les protestants sont invités et participent. Les relations sont bonnes avec les responsables des communautés, mais l'essentiel se produit chez les fidèles.

Jean-Paul II s'est beaucoup rendu en Océanie, Benoît XVI a eu les JMJ à Sydney, François le mémorable voyage en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Quels rapports entretiennent les Néo-Calédoniens, les Océaniens, à la figure géographiquement lointaine du Pape?

L'attachement au Pape a toujours été caractéristique des diocèses des petites îles d'Océanie. De manière naturelle, traditionnelle et constante. Cela tient au fait que l'évangélisation a été menée par des congrégations religieuses, singulièrement, pour notre région d'Océanie, par les pères maristes. Ils étaient ultramontains, c'est à dire des gens pour qui leurs évêques, dans tous ces premiers temps de l'Église, étaient des vicaires apostoliques. Des vicaires qui représentaient le Pape dans ces diocèses. C'est seulement après le Concile Vatican II que tous ces vicariats apostoliques ont été transformés en diocèses de plein droit.

Sur un plan plus personnel, comment avez-vous vécu tous les voyages apostoliques des trois derniers Papes en Océanie?

J'ai été présent à un certain nombre d’entre eux, aux îles Fidji en 1986 sous Jean-Paul II ou Sydney en 2008 avec Benoît XVI. Quelques années après avoir été nommé évêque en 1979, comme auxiliaire de Mgr Eugène Klein à qui j’ai succédé en 1981, j'ai eu l'occasion de faire le déplacement à Honiara aux îles Salomon. C'était le premier voyage du Pape Jean-Paul II en Océanie et nous nous étions déplacés avec un avion rempli depuis la Nouvelle-Calédonie jusqu'à Honiara, à 2 heures de vol, pour participer à l'événement.

Il était ensuite prévu que l'exhortation apostolique synodale Ecclesia in Oceania soit promulguée à Nouméa et dans une ville d’Australie. Cela avait été voté par le synode en présence du Pape Jean-Paul II, accepté sur le principe, mais l’état de santé du Pape s’est dégradé et cela n’a malheureusement pas abouti. J’avais donc rejoint Rome pour la promulgation en salle Clémentine, où pour la première fois, un texte pontifical a été diffusé par Internet. Nous avions mis en scène avec les service du Vatican cette visualisation du texte envoyé à tous les diocèses d'Océanie par Internet.

Que peut-on vous souhaiter pour cette fin de mission épiscopale durant l'Année Sainte?

Ma priorité est maintenant d'assurer le service le meilleur possible à mon successeur qui arrive dans un diocèse où les situations ne sont pas simples. Heureusement, un diocèse qu'il connaît assez bien puisqu'il y a été présent pendant les années qu'il a servi comme prêtre responsable de secteurs paroissiaux, avant que je ne lui confère l'ordination épiscopale comme évêque de Wallis. Ce qui importe est que ce soit quelqu'un qui soit là au nom de l'Évangile et qui ait mission pour le faire. C'est ce à quoi l’on va s'attacher dans les jours qui viennent.

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11 avril 2025, 10:00
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