Abus sexuels: l’Église de France en chemin vers «une culture de la vigilance»
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
«Une forme de compagnonnage». C’est ainsi que Mgr Éric de Moulins-Beaufort a décrit le travail mené les 31 mars et 1er avril, en amont de l’Assemblée plénière de printemps de la Conférence des évêques de France (CEF) qui se déroule à Lourdes jusqu’au 4 avril.
Au début de cette semaine, les évêques ont organisé trois demi-journées pour faire un point d'étape concernant la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église. Après le rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église) en novembre 2021, les évêques avaient créé des groupes de travail pour mettre en œuvre concrètement ces recommandations. En mars 2023, les travaux ont été rendus et depuis, le Conseil permanent s’attache à les réaliser concrètement, sous l’œil d’un trio d’évaluation.
Le début d'un chemin
Avec 300 invités, les évêques ont réfléchi sur les mesures prises et celles à prendre pour continuer à faire de l’Église une «maison sûre». Plusieurs collectifs de victimes étaient présents, ce qui a marqué, Sœur Marie-Laure Denès, membre du trio d'évaluation de la mise en œuvre des recommandations des groupes de travail post-CIASE. «J’ai observé un point de bascule. Il n’y a plus les victimes et les évêques face-à-face, mais ensemble, dans une alliance face à ce dossier brulant», a-t-elle témoigné dans la conférence de presse à la fin de ce jour et demi de travail.
Autre témoin de ce compagnonnage, Bastien Uranga, membre du collectif Fraternité Victimes et présent lors des échanges et table-rondes. «Ça permet de prendre le pouls de l’intérieur de ce qui est fait et surtout de ce qui reste à faire, nous sommes encore au début du chemin», souligne-t-il. Avec son association, il apporte écoute et soutien matériel aux personnes victimes, mais propose aussi de vivre des moments de fraternité comme «aller boire un verre ou manger une crêpe», explique ce laïc engagé dans l’Église.
Il s'agit d’ailleurs de l’une des pistes évoquées par Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’INIRR, l’instance indépendante de reconnaissance et de réparation, qui a accompagné plus de 1200 personnes victimes. Après les mesures financières et restauratives effectuées par l'INIRR, elle a insisté sur l’importance pour l'Église de rester en lien avec ces personnes, après le travail de reconnaissance et de réparation.
La culture de la vigilance et de la bienveillance
Remerciant le président de la CEF de son engagement, Olivier Savignac a pour sa part calculé que moins de 1% des personnes ont été indemnisées. Pour lui, les instances de réparation doivent donc continuer leur travail, alors que la question de leur maintien se pose. Parmi les premières personnes à témoigner devant les évêques en 2018, il estime que l’Église a encore beaucoup à faire en faveur des victimes, notamment des victimes majeures. Une question déjà débattue lors des précédentes assemblées des évêques et qui sera traitée lors de cette assemblée plénière, a assuré le président de la CEF dans son dicours d'ouverture.
«Nous sommes en route» pour diffuser dans l’Église cette «culture de la vigilance et de la bientraitance», a conclu Mgr Éric de Moulins-Beaufort, qui va transmettre la présidence de la Conférence des évêques après six années de mandat, particulièrement marqué par la crise des abus sexuels. L’archevêque de Reims ne donnera pas de «leçons» à son successeur, mais «indiquera un certain nombre de chantiers qui [lui] paraissent important pour avancer».
L’élection de ce futur président de la CEF, du nouveau bureau permanent et de nombreux mandats au sein de la gouvernance de l’Église de France est à l’ordre du jour de cette nouvelle Assemblée plénière, qui se terminera vendredi 4 avril. Il sera également question de la mission évangélisatrice, des finances de l’Église et de l’intelligence artificielle.
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