Les Églises allemandes défendent la responsabilité de la démocratie

Lisa Zengarini – Cité du Vatican

Alors que l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), parti d'extrême droite, voit sa cote de popularité grimper dans les sondages à l'approche des élections anticipées du 23 février, les responsables des Églises chrétiennes allemandes ont lancé cette semaine un appel commun soulignant l'importance vitale de la défense des valeurs de la démocratie.

La démocratie n'est pas négociable

Signée par Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence épiscopale allemande (DBK), par l'évêque Kirsten Fehrs, présidente en exercice du Conseil de l'Église protestante d'Allemagne, et par l'archiprêtre Radu Constantin Miron, président de l'Association des Églises chrétiennes d'Allemagne, la déclaration souligne un message fondamental: la démocratie n'est pas négociable.

Notant que la capacité de la démocratie à favoriser le compromis et à protéger les minorités est aujourd'hui mise à l'épreuve par des débats politiques qui testent sa résilience, les dirigeants de l'Église adoptent une position ferme contre l'extrémisme, en particulier le nationalisme ethnique, qui, répètent-ils, est incompatible avec les valeurs chrétiennes.

L'attentat de Munich et la polarisation de la campagne

Cet appel intervient dans un contexte de polarisation croissante sur les questions d'immigration, alimentée par les «fake news» et la propagande générée par l'IA, ainsi que par une série d'attaques impliquant des immigrés au cours des derniers mois.

Le dernier incident en date s'est produit jeudi, lorsqu'un demandeur d'asile afghan de 24 ans a intentionnellement conduit une voiture dans une foule de manifestants dans la ville allemande de Munich, blessant au moins 36 personnes.

Le suspect, qui réside en Allemagne depuis 2016 et dispose d'un permis de séjour et de travail en cours de validité, a été arrêté sur place et les autorités enquêtent sur l'attaque, qui semble avoir eu une «motivation religieuse».

Au lendemain de l'attentat, les évêques Georg Bätzing et Kirsten Fehrs ont publié une déclaration commune dans laquelle ils assurent les victimes et leurs familles de leurs prières et de leurs pensées. 

L'incident a enflammé la campagne électorale, les démocrates-chrétiens de la CDU/CSU prônant un durcissement des politiques d'immigration et d'asile, alors que l'extrême droite continue de faire l'unanimité.

L'Allemagne a besoin d'espoir dans l'incertitude

Dans leur appel, les dirigeants chrétiens allemands font remarquer que l'Allemagne a aujourd'hui «besoin d'espoir et de confiance en l'avenir», car elle est confrontée à de nombreux défis, notamment le changement radical de l'ordre mondial illustré par les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, entre autres.  Ces événements, reconnaissent-ils, «ont ébranlé de nombreuses certitudes», y compris en Allemagne.

Le changement climatique induit par l'homme, les migrations forcées et l'essor rapide de l'intelligence artificielle figurent également parmi les défis urgents qui exigent des réponses réfléchies et démocratiques.

En outre, ils mettent en garde contre l'influence croissante de l'autoritarisme, de la désinformation et des efforts visant à saper les normes démocratiques.

Selon les dirigeants chrétiens, pour construire un avenir meilleur, l'Allemagne doit avant tout continuer à renforcer l'Europe «en tant qu'espace commun de liberté, de justice, de sécurité et de prospérité», tout en servant la paix mondiale et les droits de l'homme.

Défendre les valeurs à la base de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale

Elle ne doit pas non plus affaiblir son engagement à protéger l'environnement et à éradiquer la pauvreté et l'oppression dans le monde.

De même, l'appel souligne la nécessité de poursuivre les efforts humanitaires, notamment en matière de politique des réfugiés, en plaidant pour une «bonne intégration» des migrants dans les communautés locales et pour une résolution des problèmes liés à la migration «sans ressentiment». La déclaration souligne également que la justice économique, la sécurité sociale et la dignité inaliénable de tous les êtres humains sont les piliers d'une société juste.

Défendons notre démocratie!

Dans leurs remarques finales, les dirigeants de l'Église lancent donc un appel direct aux électeurs, en particulier à ceux qui participent pour la première fois, pour qu'ils assument la responsabilité d'une «bonne coexistence démocratique», qui est essentielle au bien commun.

Ils appellent tous les citoyens allemands à soutenir les partis et les candidats qui se consacrent à une société légale, libre et inclusive, qui défend la solidarité et la protection de l'environnement: «Faisons entendre notre voix et défendons notre démocratie», exhortent-ils.