Cardinal Bessi, «un homme ne peut rien s’attribuer sinon ce qui lui est donné du ciel»

Marcel Ariston Blé - Abidjan, Côte d'Ivoire

C’est dans la cathédrale saint Paul du Plateau, à Abidjan, la capitale économique du pays de l’ivoire que celui que le Pape François avait élevé à la dignité cardinalice le 7 décembre 2024, a célébré l’eucharistie d’action de grâce au Seigneur qui «a daigné jeter son regard sur son humble serviteur que je suis». «Notre cœur déborde de reconnaissance pour tant de grâces reçues de sa miséricorde infinie, de sa bonté», a exalté l’archevêque d’Abidjan, le cardinal Ignace Dogbo Bessi, à l’exorde de son homélie, en présence de ses confrères évêques, prêtres et personnalités politiques, administratives, diplomatiques, militaires et coutumières. Le prélat qui estime que «c’était le devoir de célébrer l’amour insondable et mystérieux de notre Seigneur, qui appelle qui Il veut, quand Il le veut, où Il le veut et comme Il le veut», demandant à ses diocésains à prier le Seigneur pour lui afin qu’il soit «au service de l’Église».

«Celui qui était avec toi au-delà du Jourdain…, voici, il baptise, et tous vont à lui»

 «Un homme ne peut rien s’attribuer sinon ce qui lui est donné du ciel», a affirmé le cardinal Bessi, commentant l’évangile de saint Jean, à son troisième chapitre, le 27ème verset, texte choisi pour la circonstance.  C’est la réponse de Jean-Baptiste à ses disciples qui venaient l’alerter au sujet de Jésus : «Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, et à qui tu as rendu témoignage, voici, il baptise, et tous vont à lui». (Voir Jean 3, 26-27) A l’exemple de ce prophète, le cardinal Bessi, a appelé ses fidèles, à savoir «s’incliner devant la volonté de Dieu qui se déploie qui se manifeste en Jésus». «Jean ne murmure pas contre la volonté de Dieu. Au contraire, il la discerne humblement, il s’en réjouit et en éprouve la joie de l’ami, de l’époux, lui laissant ainsi un modèle à imiter.», disait l’archevêque d’Abidjan.

Et en la matière les chrétiens sont en passe de devenir des maîtres

Le cardinal a par ailleurs prévenu contre toute divinisation du pouvoir, trahison à laquelle, selon le prélat, peut faire une mauvaise récupération de la parole de  Jean-Baptiste, une parole «qui traverse le temps», disait-il. «Un homme ne peut rien s’attribuer sinon ce qui lui est donné du ciel», a affirmé le prélat, «ne doit pas servir de prétexte pour déformer, soutenir les complots, les intrigues, les usurpations de titre et les assassinats au nom du pouvoir dans l’Église et dans la société comme cela a cours dans certains de nos groupes, de nos villages, de nos pays et continents». Il est absolument incongru, inconséquent, voire immoral d’invoquer la Divinité «quand on organise contre toutes règles morales l’accession à un poste de responsabilité», a-t-il martelé, «Et en la matière les chrétiens sont en passe de devenir des maîtres», a-t-il ajouté.

Accueillir de tout ce que le Seigneur nous donne sans orgueil et dans la reconnaissance

Parlant des chrétiens, l’archevêque d’Abidjan, a aussi fustigé l’accrochement aux postes dans l’Église, chez certains d’entre eux, notamment en cherchant «à y placer des amis par des moyens mondains qui n’honorent pas notre foi». «Peut-on dans ces conditions dire comme Jean Le Baptiste dire, ‘’un homme ne peut rien s’attribuer sinon ce qui lui est donné du ciel’’», disait le cardinal. «Nos villages, nos pays donnent à voir des morts autour de la course au pouvoir et à la chefferie» a regretté le cardinal Bessi. Peut-on s’attribuer la parole prophétique du Baptiste «quand on tord le cou aux traditions des peuples et aux normes établies, quand on écrase des vies humaines, quand on bafoue des intérêts de la communauté pour défendre ses intérêts privés et égoïstes», a poursuivi le nouveau cardinal, exhortant les fidèles à «s’approprier la pensée de ce prophète tourné vers la recherche sans cesse de la volonté de Dieu, qui nous invite à l’accueil de tout ce que le Seigneur nous donne sans orgueil et dans la reconnaissance».

Priez pour moi que je sois au service de l’Église

«Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?», une autre référence biblique provocatrice. L’archevêque d’Abidjan s’est approprié cette question de saint Paul, en approfondissement de la pensée du Baptiste, pour insister «l’humilité et reconnaissance» avec lesquels l’évènement du jour devait être vécu. «Ce cardinalat que nous célébrons est de l’ordre des dons gracieux et gratuits de Dieu, qui nous comble au-delà de nos espérances, il nous faut donc l’accueillir dans l’esprit d’Église qui continue la mission du Christ et qui répand les dons de Dieu à profusion», a déclaré le cardinal. Retournant «la gloire, la puissance, l’honneur et toute la louange à Dieu», le cardinal Bessi, a ensuite demandé à ses diocésains de prier pour lui et «ceux qui ont l’autorité, parce qu’ils ont besoin d’être des saints en recherchant le bien commun et en sacrifiant leurs propres intérêts». «Priez donc pour que je sois au service de l’Église», a insisté le prince de l’Eglise.  

N’aie pas peur de ce que tu feras ou que tu diras

Prenant la parole au terme de l’eucharistie, le cardinal Jean-Pierre Kutwa, archevêque émérite d’Abidjan, actuellement administrateur apostolique sede plena du diocèse de Man, a invité son confrère à ne pas avoir peur des implications de cette nouvelle mission qui lui a été «confiée par le Seigneur» «La porte du collège cardinalice s’est ouverte pour toi, c’est un privilège mais c’est une charge. Celui qui t’a choisi pour prendre cette charge, saura te donner les moyens nécessaires pour prendre la charge.» lui a-t-il dit. «Tu portes le rouge et tu sais, c’est l’amour jusqu’au sang. Ton amour pour le Christ, les hommes doit aller jusqu’au don de ta vie, n’aie pas peur de ce que tu feras ou que tu diras parce que c’est le Seigneur lui-même qui t’inspirera ce qu’il faut dire et ce qu’il faut faire (…) tout le diocèse se dit disposer à t’accompagner alors n’aie pas peur», l’a-t-il rassuré.