Le Soudan, «une terre sans paix qui rêve de tranquillité»
Federico Piana et Marie Duhamel - Cité du Vatican
Ce pourrait être un tournant décisif dans la guerre des généraux qui a fait des dizaines de milliers de morts depuis avril 2023. Samedi 11 janvier, à environ 200 km au sud-est de Khartoum, la ville de Wad Madani a été reprise par l’armée dirigée par le général Burhane aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), conduites par son ancien allié le général Mohamed Hamdane Daglo.
«Wad Madani est la capitale de l'État agricole d'Al-Jazira, la région la plus fertile de tout le Soudan, nichée entre deux fleuves: le Nil blanc et le Nil bleu. C'est une richesse sans frontières. Mais Wad Madani n'a pas seulement une valeur immense: c'est aussi un carrefour routier stratégique qui permet de relier les zones du nord-est contrôlées par l'armée, comme Port-Soudan et Cassala, aux autres provinces du sud qui ont été séparées pendant plus d'un an», explique le père Diego Dalle Carbonare.
Destruction totale
Pour le supérieur provincial des Comboniens en Égypte et au Soudan, témoin neutre de ce conflit et de ceux qui l’ont précédé dans le pays, «quand la guerre se terminera un jour, la date de la reconquête de Wad Madani sera inscrite dans les livres d'histoire». Il est convaincu que la progression des forces gouvernementales à Khartoum puis à l'ouest, sur la route de Kosti à El Obeid, finira par accélérer la désescalade partielle du conflit. Mais pour chaque centimètre d’avancée, déplore-t-il, une quantité énorme de bombes est larguée et le nombre de morts est très élevé. «Les dégâts sont incalculables, on assiste à une destruction totale».
«Zones maudites»
Le missionnaire estime que si les armes un jour se taisaient, ce ne serait certainement pas pour obtenir la paix souhaitée, une paix concordée. Ce serait la victoire écrasante d'un adversaire sur l'autre. Et concernant le Darfour et le Kordofan, dans ces zones qu'il juge maudites, le sang continuera de couler pendant de nombreuses années encore. «Concernant ces régions, je ne pense pas que la fin soit proche. Après tout, il ne faut pas oublier que la guerre que nous vivons n'est que le fruit de 20 ans de conflit au Darfour, elle n'a certainement pas commencé en 2023 avec les affrontements à Khartoum».
La recherche de la normalité
Au Soudan, la population n’aspire qu’à revenir rapidement à une vie normale, quel que soit le vainqueur. «Dans certaines villes contrôlées par le gouvernement, les écoles ont rouvert leurs portes et les examens de l'enseignement secondaire ont repris. Un signal éloquent de la volonté de tourner la page». À Port-Soudan, devenue la capitale de facto du pays, le missionnaire italien a constaté l’arrivée massive de nouveaux habitants. «Leur nombre a plus que doublé, de nouveaux bâtiments sont en construction, tandis que dans la périphérie, il y a encore des camps de réfugiés». Sur place les célébrations de Noël ont pu avoir lieu. Dans ce pays où plus de 97% de la population est de religion musulmane, le père Diego Dalle Carbonare raconte que la fête s’est déroulée comme si la guerre n'était qu'un mauvais rêve. En outre, «le jour de Noël, le chef de l'armée et du gouvernement, le général Abdel Fattah al-Burhane, est venu à la surprise générale dans la cour d'une école où la messe du matin venait de se terminer pour saluer les chrétiens en fête». Dans son bref discours, il a tenu à souligner le «lien de paix qui unit chrétiens et musulmans ».
Les personnes déplacées, un problème brûlant
Dans l’espoir de fuir finalement la guerre, «beaucoup fuient vers l'Égypte, d'autres préfèrent rester à la frontière dans des camps installés à Rabak, près du Nil Blanc. Mais la majorité choisit le Sud-Soudan», explique le missionnaire combonien. Jusqu'à présent, ceux qui ont franchi la frontière avec le rêve d'arriver à Juba sont près de deux millions, or, note-t-il, «le Soudan du Sud ne se porte pas très bien lui-même, entre violence et pauvreté sans limites».
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