Le cardinal Nzapalainga aux chrétiens: «pour notre unité nous devons construire des ponts et non créer des fossés»

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

Chaque année, le principal temps fort œcuménique demeure "La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens" qui, depuis 1908, rassemble des chrétiens de toutes confessions du 18 au 25 janvier. Un des objectifs de cette initiative est notamment de permettre aux chrétiens du monde entier de se retrouver autour d'un thème tiré de l’Évangile. «Crois-tu cela ?», (Cf Jean 11,26), est le thème de l’édition 2025 qui invite à puiser dans cet héritage commun et à vivre pleinement la foi qui unit tous les chrétiens. Dans l’archidiocèse de Bangui, en Centrafrique, ce temps de prière se vit pleinement entre les fidèles catholiques et ceux de l’Église protestante. Dans cet entretien accordé à Vatican News, le cardinal Dieudonné Nzapalainga nous partage notamment son expérience du vécu de cette semaine de prière.

Éminence, que vous inspire la semaine de prière pour l'unité des chrétiens?

La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous rappelle la prière de notre Seigneur Jésus-Christ pour l’unité de ses apôtres relaté dans l’Évangile de Jean 17,21. «Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi». Jésus sait bien que ses apôtres ont leurs limites, leurs faiblesses, mais leur unité trouvera son sens en Lui qui est uni à Dieu son Père dans la communion. Ainsi, l'histoire a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui: des catholiques, des protestants, des orthodoxes (…) et nous devons sans cesse nous rappeler notre origine qu’est Jésus-Christ, et de prendre conscience de ce que nous avons à faire pour nous retrouver en tant que chrétiens et ensemble témoigner de cette unité qui ne doit pas être un mot, mais bien plus: une réalité. De ce fait, nous devons ensemble rechercher des voies qui nous permettront d'aller dans la même direction. «Que tous soient un», ici à Bangui, catholiques et protestants travaillent à réaliser ce vœu du Christ. Aussi, cette semaine de prière engage tous les chrétiens à la construction de ponts pour nous rencontrer, partager et vivre notre foi en étant unis au Christ. Nous devons conduire des ponts plutôt que de toujours rechercher ce qui nous divise. J’insiste: nos différences peuvent être une source de richesse et non une source de division. La foi que nous partageons et notre joie commune dans l’Évangile sont grandes et plus profondes que nos divergences.

L'édition 2025 de cette semaine de prière pour l'unité des chrétiens se vit en pleine année jubilaire. Que vous inspire cette coïncidence?

J’estime que l’espérance doit nous pousser à ouvrir nos cœurs et à nous tendre la main, à prendre des initiatives en nous disant que l'Année jubilaire est une année d'action de grâces, de reconnaissance, et aussi de remise en question. C’est également une année au cours de laquelle nous devons marcher vers le pardon et la réconciliation. C’est surtout une occasion de nous ouvrir et d’accueillir aussi nos autres frères chrétiens. À l’ouverture de l’année jubilaire dans notre archidiocèse de Bangui, nous avons convié nos frères protestants qui sont venus partager ce moment de joie avec nous autour de la parole de Dieu, qui est notre socle à tous. Ce Jubilé est une opportunité de partager avec tous nos frères chrétiens l’espérance en Dieu notre père.

Que pouvons-nous savoir de votre expérience de l'unité des chrétiens?

Je garde de cette expérience la valeur de la proximité que nous continuons de cultiver pour la vie de nos frères et sœurs dont la dignité est bafouée et qui sont confrontés à la souffrance, à la persécution, à la mort. Ces frères et sœurs catholiques ou protestants sont tous nos fidèles. Pour eux, nous leaders religieux, nous sommes appelés à dépasser nos divergences, pour vivre l’unité que nous demande Jésus. Cette vision des choses nous a servi de leitmotiv et c'est bien cette expérience qui nous a galvanisés à tout surmonter et à travailler ensemble pour nos différents fidèles. C'est à nous leaders religieux de leur prêcher l'unité en Jésus-Christ. Au regard de tout cela, j’estime qu’il est temps pour tous les chrétiens de désarmer les cœurs en renonçant à toutes critiques, à toutes considérations, et de nous réconcilier afin de savoir que le Christ est notre unité. Si je garde de cette expérience la proximité, c’est bien parce que nous en tant que leaders religieux avions su nous parler pour travailler à notre rapprochement. On entend souvent les gens qui lancent des paroles de haine et de division. Nous devons reprendre notre bâton de pèlerin pour enseigner à nos fidèles à faire de nos différences une source de richesse autour du Christ, source de notre unité.

Comment vivez-vous cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens à Bangui?

Cette année encore nous nous retrouverons pour vivre ensemble des activités. Ces initiatives doivent nous aider à changer nos regards à l’égard des autres.
Malgré nos différences, l’autre n’est pas un ennemi, mais plutôt un frère ou une sœur en Christ. Un frère qui croit, qui accueille et convaincu que le Christ est venu donner sa vie pour le sauver. Et il en va de même pour moi. Et cela change les perspectives qui nous animent. À Bangui, nous sommes dans cette dynamique. Nous devons enseigner à nos fidèles le rapprochement et l’acceptation de l’autre parce que le Seigneur est venu pour cela; il a donné sa vie pour la multitude.

Éminence, selon vous, comment promouvoir cette unité des chrétiens dans un monde divisé et troublé?

Pour promouvoir l'unité, Jésus-Christ ne s'est pas contenté de la parole, il l’a vécue et continue de la vivre avec Dieu, son Père. Nous sommes appelés, en revanche à vivre cette unité avec un cœur sincère. Si nos cœurs sont unis, si nous sommes sincères et véridiques, nos prières s’élèveront vers le Seigneur. Cela nous aidera à dépasser nos clivages historiques, dogmatiques, humains et anthropologiques. Chrétien, notre vivre-ensemble doit témoigner de la vie de Jésus avec Dieu, le Père. En Jésus, nous devons aspirer à l’ouverture universelle. Le monde a besoin de constater que les chrétiens vivent dans l’unité. Notre unité, notre solidarité participeront à guérir notre monde malade.

Croyez-vous à cette unité des chrétiens?

Cette unité est en cours et se réalisera certainement en notre Seigneur Jésus-Christ. Nous y arriverons dans la sincérité de nos cœurs, si nous travaillons à la convergence et à faire tomber nos masques et barrières. Le Christ nous invite à faire un pas vers l'autre. Oui, l'unité est possible en Jésus-Christ et nous marchons vers cette unité. Il est en face de nous; il a ouvert la voie, marchons, n'ayons pas peur, il nous attend, il nous tend les bras. C'est à nous de continuer à le faire et ce que nous faisons, en nous retrouvant pour prier, c'est l'anticipation de ce que le Seigneur attend de nous.

Quel est votre message à tous les chrétiens?

Je voudrais demander à nous tous chrétiens: «N’ayons pas peur de l’autre». Ouvrons nos cœurs à l’autre dans la prière et la solidarité.
Jésus-Christ nous a donné la vie éternelle et c'est en Lui que nous pouvons trouver cette vie éternelle. J'exhorte tous les chrétiens à tourner leur regard vers le Christ. Tout est possible à Dieu et en Dieu. Chrétiens, le Christ nous appelle à être un en Lui. Voici le temps de l'espérance. Laissons-nous guider par le Seigneur.