La Bible de Borso d’Este, la splendeur des mots dans «le plus beau livre du monde»
Maria Milvia Morciano – Cité du Vatican
Cent ans après sa première exposition publique, la Bible de Borso d'Este revient à Rome, dans la salle capitulaire de la bibliothèque du Sénat, où Giovanni Treccani, père de l’encyclopédie italienne, décida en 1923 de la sauver de l'exil. L'exposition tire son titre de la Genèse: «Et vidit Deus quod esset bonum–La Bible de Borso d'Este. Un chef-d'œuvre pour le Jubilé». C'est un retour chargé d'histoire, car c'est ici même que Giovanni Treccani rencontra Giovanni Gentile, alors ministre de l’Instruction publique et, ébloui par la beauté du manuscrit, décida de l'acheter, «ému aux larmes». Aujourd'hui, le Jubilé de l'espérance offre à nouveau la possibilité de contempler une œuvre rarement exposée au public.
Une beauté qui interpelle
Lors de l’inauguration de l’exposition, Mgr Rino Fisichella, pro-préfet du dicastère pour l'évangélisation en charge du Jubilé, a attiré l'attention sur la nature profonde du manuscrit. «La Bible n'est pas seulement un livre: c'est la Parole qui continue de parler à chaque génération». Et dans la version enluminée voulue par le duc de Modène, de Reggio et de Ferrare, Borso d'Este, la beauté n'est pas un simple ornement, mais «une prière visuelle, une mémoire qui traverse les siècles». Les pages décorées, l'or, les pigments précieux deviennent une invitation à la contemplation, une provocation à redécouvrir le texte sacré dans sa valeur la plus authentique: cette même Parole que nous continuons à rencontrer dans les éditions accessibles à tous, celles que nous gardons chez nous, et qui ne demandent qu'à être rouvertes pour laisser émerger leur contenu essentiel.
La dynastie qui a inventé la modernité
Alessandra Necci, commissaire de l’expostion, a pour sa part reconstitué le contexte dans lequel le manuscrit a vu le jour: la cour de Borso et Ercole d'Este, laboratoire d'art, de politique et de splendeur. C'est là qu'ont travaillé Taddeo Crivelli, Franco de' Russi, Girolamo da Cremona, Guglielmo Giraldi; c'est là qu'a pris forme ce langage que Roberto Longhi a défini comme capable de «dialoguer d'égal à égal avec la peinture monumentale». La Bible n'était alors pas seulement un objet de dévotion, mais aussi un manifeste politique: Borso l'apporta à Rome en 1471 pour montrer au Pape la grandeur des Este. «Une œuvre de cour qui devient le patrimoine de tous», résume celle qui est aussi directrice des Galeries d’Estense (à Modène), guidant le visiteur à travers plus de six cents cartes miniatures, des animaux fantastiques aux scènes qui font écho au style de Donatello.
Treccani: la générosité qui a marqué l'histoire
Carlo Ossola, président de l’Institut de l’encyclopédie italienne, a rendu toute sa dimension civile au geste de Treccani: un exemple exceptionnel de mécénat moderne. «Sa générosité» a permis à l'Italie de retrouver un trésor qui risquait d'être dispersé à l'étranger. Dans cette exposition, l'histoire de l'œuvre et celle de l'Institut s'entremêlent à nouveau. «En deux volumes seulement se concentre tout un paysage de la culture italienne», a souligné le président de l'Institut de l'encyclopédie italienne. Un siècle après ce don, la Bible reste également l'un des symboles de l'idée de culture comme bien commun.
Un livre-monde
La Bible de Borso d'Este n'est pas un simple ouvrage: c'est un microcosme visuel où cohabitent sacré, politique, art, zoologie fantastique et fierté dynastique. Le bleu outremer afghan des précieux lapis-lazuli, le fond doré, les armoiries, les centaures, les exploits des Este: chaque page vibre de cette «harmonie entre beauté et sacralité» évoquée par Mgr Fisichella comme symbole pour le pèlerin du Jubilé. À Modène, où elle est conservée, elle est le joyau des Galeries d'Estense. À Rome pendant ces quelques semaines, elle devient un parangon de la mémoire: elle rappelle ce que la culture peut accomplir lorsqu'elle réunit les institutions, les chercheurs, les citoyens et l'histoire. Un livre qui continue d'être, comme le dit le titre de l'exposition, une bonne chose. Et une belle chose.
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